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« L’attente » à Lukla

Le 9 mai 2023

Propos du 02/05

Cela se saurait si la patience était une vertu occidentale. La montagne est une école de la patience. La haute montagne l’université de la patience. L’Himalaya un doctorat de patience. Tout se joue à la patience ici. La patience physiologique tout d’abord qui impose aux trekkeurs, mais surtout aux alpinistes qui se lancent dans une ascension d’un sommet de plus de 6 000 m et au-delà, de respecter des paliers d’altitude pour ne pas être victime d’un œdème pulmonaire ou cérébral. Monter crescendo en altitude, ne pas dépasser idéalement 400 m de dénivelé positif par jour, tels sont les conditions d’une bonne acclimatation. Bien sûr, une fois acclimaté, on peut franchir ces seuils. Lors de la conquête d’un sommet de plus de 8 000 m, il est fréquent d’avoir des étapes à plus de 1 000 m de dénivelé. L’art étant de ne pas résider trop longtemps en très haute altitude et de redescendre au plus vite vers les camps inférieurs.

La patience météorologique ensuite. C’est ce que nous enseigne un mois passé dans l’une des vallées les plus sauvages du Népal au pied d’un immense sommet très difficile d’accès, relativement technique où la notion de confort est absente dès le premier jour. Durant le trek d’approche sauvage, long, engagé, avec des vallées magnifiques, immenses préservées, nous avons eu quelques belles journées dans le plus pur style himalayen météorologique. Il fait très beau de 5 heures du matin à 11 heures, ensuite, les nuages prennent le relais, il peut neiger, grêler, ça dépend de l’humeur des cieux. Normalement à cette époque, la tendance va vers des journées plus stables. Nous sommes à la même latitude que la France ou presque. Nous devrions nous diriger vers l’été, des températures plus clémentes, une certaine stabilité. Mais il n’en n’est rien. L’Himalaya a décidé de nous prodiguer son enseignement suprême : la patience. 9 jours (depuis le 25 avril) que nous sommes descendus dans la vallée attendre des éclaircies. À Lukla, l’aéroport le plus haut du monde et l’un des plus dangereux au monde, l’attente est ponctuée par le ballet des hélicoptères et avions qui bravent le brouillard pour accomplir leurs missions (dépose de Trekkeurs / acheminement de matériel / secours en altitude). Le routage météo remplit son office. Chaque jour l’annonce du Fog, de la neige en altitude et de la pluie en vallée fait son retour sur le bulletin. Il faut donc attendre avec un mince espoir sur les jours à venir. Un créneau qui nous permettrait de remonter au camp de base avancé du Makalu (à compter du 3 mai) à 5 780 m d’altitude pour repartir vers les camps 2 et camps 3 situés à 6 800 m et 7 400 m d’altitude. Un ultime run en très haute altitude avant d’attendre un créneau (entre le 8 et le 25 mai) pour une tentative vers le sommet.

Attendre, step by step. La philosophie de la réussite. Nous ne décidons de rien dans ces immensités. Seule la montagne dicte ses conditions. Nous subissons et nous devons nous conformer aux lois ici présentes. L’attente aura ses limites, l’arrivée inexorable de la mousson entre fin mai et début juin qui condamne définitivement toute tentative d’ascension. Nous sommes à la disposition de la nature et non l’inverse. C’est la nature qui dicte sa loi. Bon nombre d’humains devraient faire un stage d’humilité en Himalaya.

Lukla – Hymalayan clean up 2023
Lukla – Hymalayan clean up 2023
Hymalayan clean up 2023